LÉON GATAYES
Léon Gatayes (on trouve ce nom, suivant les
sources, orthographié également Gatayès ou Gataye) (1805-1877),
l’ami auquel Baucher dédia son livre, était à la fois un harpiste célèbre,
critique musical et élève de Baucher. Son père, Guillaume Pierre Antoine
Gatayes (1774-1847), était lui-même harpiste et
guitariste. Léon Gatayes était un virtuose de la harpe, composant également
pour cet instrument des oeuvres considérées extrêmement difficiles à
interpréter. Il renonça cependant à sa carrière de harpiste pour entrer dans le
journalisme, sur les conseils de son ami Alphonse Karr (1808-1890),
journaliste et écrivain, qui devint directeur du Figaro en 1839. Léon Gatayes écrivit pour la Chronique Musicale, le Corsaire, la Gazette Musicale, le Journal de
Paris et Le Ménestrel. Il écrivit également de nombreux articles hippiques
pour Le Siècle et le Journal des Haras.
Léon Gataye fit ses classes à Paris à la
pension Cordier, rue Sainte-Marguerite, en même temps que Victor Hugo et son
frère Eugène. C’est dans cette pension, que Victor Hugo, en 1816, écrivait sa
célèbre phrase Q Je serai Chateaubriand ou rien f.Au chapitre VI de Victor
Hugo raconté par Adèle (Paris, Plon, 1985), on peut lire à ce sujet que
vers 1815,
Q
Les externes étaient spécialement
employés aux relations extérieures. Un jeune et gentil garçon qui est devenu un
homme vaillant et solide, aussi bon nageur qu’habile écuyer, adroit à toutes
les armes, prêt à toutes les rencontres, Léon Gatayes, avait alors pour mission
quotidienne de rapporter les deux sous de fromage d’Italie que sa majesté
Victor Ier ajoutait au pain sec de son déjeuner, et tremblait quand
le sourcil froncé du roi n’était pas content de la quantité ou du morceau. f
Le poète Théodore de Banville, qui
connaissait bien lui-aussi Léon Gatayes, lui dédia en mai 1855 une de ses
Odelettes, dans laquelle il vante ses doubles talents de musicien et
d’équitant:
A Léon Gatayes Avec ses sanglots, l’instrument rebelle, Qui sent un pouvoir plus fort que le sien, Donne l’harmonie enivrante et belle Au musicien. Le cheval meurtri, qui saigne et qui pleure, Cède au cavalier, rare parmi nous, Dont aucun effort ne peut avant l’heure Lasser les genoux. De même d’abord, le Rhythme farouche Devant la pensée écume d’horreur, Et, pour se soustraire au dieu qui le touche, Se cabre en fureur. Mais bientôt, léchant la main qui l’opprime, Il marche en cadence, et comme par jeu, Son vainqueur lui met le mors de la Rime Dans sa bouche en feu. Tu le sais, ami, toi dont l’Art s’honore, Homme à la main souple, au jarret d’acier, Qui fais obéir la harpe sonore Et l’ardent coursier; Lorsque aimé d’Isis aux triples ceintures, Un homme intrépide a baisé son sein, La création et les créatures Suivent son dessein. Le Génie en feu donne à l’âme altière Le Commandement, ce charme vanté, Et l’Esprit captif dans l’âpre Matière Cède épouvanté. |
Charles Monselet (1825-1888),
dans son livre La lorgnette littéraire.
Dictionnaire des grands et des petits auteurs de mon temps (Paris 1857;
réédité aux Éditions du Lérot, 1990), écrit au sujet de Léon Gatayes les lignes
suivantes (p. 108):
Q M. Léon Gataye est le modèle achevé de ce qu’on appelle une belle
éducation: il pince de la harpe, il monte à cheval, il trousse agréablement un
article de gazette et il est supérieur à l’escrime. On se l’arrache comme
témoin dans les duels officiels; c’est ce qui l’a fait appeler le premier des
seconds. En outre, il possède un très riche cabinet de curiosités: flèches de
sauvages, armets de Mambrin, tabatières du roi de Prusse, coquillages de
l’Orénoque, cannes de Voltaire, oiseaux empaillés, faïences de Limoges et
collections de journeaux. f
Berlioz mentionne également son ami Léon Gatayes
dans ses mémoires (chapitre LI des Mémoires
de Hector Berlioz, Michel Lévy Frères, Éditeurs, Paris 1870), en raison de
l’aide que lui apporta ce dernier pour déjouer une cabale montée par des
partisans de François Habeneck, violoniste et chef d’orchestre à l’Opéra de
Paris.