JULES-CHARLES PELLIER
(1800? – 1873)
ET
JULES-THÉODORE PELLIER
(1830-1904)
Comme le fils de Jules-Charles Pellier, Jules-Théodore (1830-1904),
nous l’ apprend dans son ouvrage Le
Langage équestre (1889), les Pellier étaient écuyers depuis la seconde
moitié du XVIIIe siècle. Le premier en date fut Louis Pellier, né en 1722 et
mort en 1789, et exerça sa profession à la Grande Écurie de Versailles sous
Louis XV. Pellier, comme il le dit lui-même, reprend fidèlement le texte écrit
par le baron de Vaux dans Les Hommes de
cheval depuis Baucher (1888: 128-134). Selon Monteilhet (1979: 217-221),
Louis Pellier aurait bien été élève à la Grande Écurie, mais nommé par la suite
à la Petite Écurie, où il était chargé de l’instruction équestre des enfants de
la noblesse de cour.
Louis Pellier eut deux (ou trois?) fils écuyers. L’ aîné, prénommé
Louis comme son père, fit partie de l’armée de Condé, après quoi il devint
successivement écuyer du duc d’Enghien et professeur-écuyer à l’École impériale
d’équitation de Paris. Quant au cadet, Hyacinthe, celui-ci fit sa carrière dans
la cavalerie après avoir été de la Grande Écurie. Ici, la chronologie offerte
par le baron de Vaux (et à sa suite Jules-Théodore Pellier) est ambiguë: Louis
Pellier Ier eut-il deux fils, Louis Pellier (Q
Louis Pellier, deuxième du nom, fils aîné du précédent f
selon le baron de Vaux) et Hyacinthe ( Q fils cadet de Louis Pellier Ier
f
—baron de Vaux) , ou trois, le troisième étant Louis-Charles (Q
frère ainé d’Hyacinthe Pellier f toujours selon le baron de Vaux)?
Monteilhet (1979: 217) présente Louis-Charles (1767-1846) comme le petit-fils
de Louis Pellier (Ier).
Quoi qu’il en soit, Louis-Charles Pellier est le premier Pellier qui
ait laissé oeuvre écrite, intitulée Essai
élémentaire sur l’Art de l’équitation, et publiée en 1823 (avec trois
réimpressions: 1834, 1837 et 1858, cette dernière ayant été éditée par les
soins de son élève François Le Blanc [1]), alors qu’il était
professeur au Manège royal [2] de Paris (13 rue
Cadet). Solidement formé par son père et Pierre-Marie d’Abzac (le vicomte
d’Abzac)[3], il avait été, durant
l’ émigration, écuyer du duc d’Enghien, avant de rentrer en France en 1802.
Louis-Charles Pellier enseigna jusqu’en 1830 au Manège royal, supprimé par
Louis-Philippe. Ce dernier, en 1830, nomma Louis-Charles Pellier au Manège
central (113 rue Montmartre).[4]
Jules-Charles Pellier (Jules Pellier père), fils d’Hyacinthe, fut en
même temps que son père professeur à l’École royale (ou Manège royal, 13 rue
Cadet) jusqu’à la fermeture de celle-ci en 1830. En 1834, Peu après l’arrivée
de François Baucher à Paris, les deux écuyers s’associent pour exploiter le
manège situé au numéro 11 de la rue du Faubourg-Saint-Martin (ex manège de
Leblanc). Guillotel (1999: 96) nous précise que les cours coûtaient 300 francs
par an à raison d’une leçon quotidienne, et que Pellier donnait égalements des
cours du soir entre 19h et 21h. Les Dialogues sur l’équitation qui
paraissent en 1834 portent comme noms d’auteurs celui des deux associés. Dix
années plus tard, la seconde édition portera seulement le nom de Baucher. Deux
ouvrages portent exclusivement le nom de Jules-Charles Pellier. [5] Le premier est une Notice sur le mors Pellier, pour arrêter les
chevaux qui s’emportent (Paris, 1844) et le second un Manuel d’équitation (Paris 1874). Vers la fin du Second Empire,
Jules Pellier père dirigeait le manège situé au 42 de la rue d’Enghien [6]. Il mourra le 11 mars
1873.[7]
Jules-Charles
Pellier
(extrait de:
Bragança 1997: 48)
Jules-Théodore Pellier (Jules Pellier fils, 1830-1904) publia d’abord L’équitation pratique (Paris, 1861),
puis Le langage équestre (Paris,
1889), et enfin La Selle et le costume de
l’amazone (Paris, 1897). Jules-Théodore Pellier a donc dès son jeune âge
été entouré d’écuyers de renom comme Baucher, Laurent Franconi et bien
évidemment son propre père. Le baron de Vaux fait l’éloge de Jules-Théodore en
ces termes: Q Il avait fondé, en 1862, dans le quartier de la Madeleine, une école
d’équitation [8],
qu’il a depuis transportée dans un des plus beaux quartiers de Paris, à deux
pas de l’arc de triomphe de l’Étoile, avenue du Bois de Boulogne [9]. C’est à tous les
points de vue un établissement modèle; la parfaite tenue des écuries et le bon
ton qui règne dans toute la maison sont connus dans le monde entier; aussi
n’est-il pas étonnant que cette école ait été immédiatement adoptée par
l’aristocratie féminine, qui s’y sent chez elle. Comme écuyer, M. Jules
Pellier, fidèle aux traditions de la vieille école française, a su mettre son
enseignement en harmonie avec les aptitudes des chevaux de notre époque et avec
les nouvelles règles de l’équitation contemporaine […]. Tous les chevaux
dressés par lui sont avant tout bien droits, bien francs; de plus, ils
acquièrent cette légèreté, cette souplesse de mouvement, ce liant, que les
maîtres seuls savent donner à leur monture, et qui sont les plus belles
qualités du cheval de selle […]. Dans son enseignement pour les jeunes gens, il
se sert beaucoup de sauteur dans les piliers. Cet exercice est en effet très
utile pour donner de la confiance au cavalier qui débute. Il y a toujours, dans
l’école, plusieurs sauteurs aux piliers: Mentor, Frontin, Sosie et Sultan,
qu’on voit tous les jours à la leçon, sont très remarquables par leur
régularité et leur obéissance. La puissance de leurs sauts est réglée par les
ordres du maître, proportionnellement à la force des élèves f
(Vaux 1888: 130-131).
Le nouveau
manège de Jules-Théodore Pellier au 24 de l’Avenue de l’Impératrice,
aujourd’hui
avenue Foch, vers 1875. Frontispice de la troisième édition
de L’équitation pratique, Hachette 1875
NOTES
[1] Jacques Hillairet, dans son Dictionnaire des rues de Paris (1963), situe ce manège dans le passage des Deux-Soeurs, qui commence au 42 de la rue du Faubourg-Montmartre. Il écrit à ce propos: ”La section située au sud de la rue Lafayette a desservi l’école d’équitation, avec location de chevaux, dirigée par Leblanc. Cette école remplaçait l’ancienne école d’équitation que dirigea, avant Tassinari, le comte d’Aure. Elle avait été subventionnée par l’État et la Ville et installée, en 1823, dans la rue Cadet où sa porte, monumentale, était ornée de chevaux rappelant ceux de Marly. Elle brûla en 1845 et Tassinari la transporta, près de là, dans le passage des Deux-Soeurs où, dirigée par Leblanc, elle était encore en 1858” (Hillairet 1963: 431).
[2] Suivant les auteurs et les avatars de l’histoire, le manège de la rue Cadet apparaît sous les noms d’École royale ou de Manège central (après la chute de la Restauration).
[3] Le même dont le jeune François Baucher admirait l’équitation à Versailles vers 1814.
[4] En dehors de l’équitation, le manège Pellier (Manège central) avait acquis, à partir de septembre 1830, une réputation de foyer d’opposition (et d’agitation) républicaine. En effet, la toute récente Société des Amis du Peuple avait son siège à l’adresse du manège. Il semble que le fait soit fortuit et nous n’avons pas d’indication suggérant l’appartenance de Louis-Charles (et/ou Jules-Charles) Pellier à la Société.
[5] Je suis tombé par hasard sur un court chapitre rédigé par Jules-Charles Pellier intitulé ”De l’équitation”, et signé simplement ”Pellier”, paru dans l’ Almanach du plaisir de 1852 (pp. 47-51). Rien de bien transcendant dans cet article, sinon la critique de la mauvaise équitation régnante et la défense d’une pédagogie sérieuse en la matière. Qu’on en juge par ces extraits: ”Autrefois – la preuve en est dans les écrits d’un de nos féconds romanciers qui a beaucoup retenu du temps jadis – le cheval était des plus intelligents, il connaissait son cavalier et ne se soumettait qu’à lui, ce qui explique suffisamment ces courses à fond de train, que certains incrédules ont taxées d’exagérées; mais aujourd’hui! allez donc de Paris à Calais sans changer de cheval, comme un capitaine de mousquetaires de notre connaissance. Faites donc que votre cheval vous obéisse sans éperons et sans cravache! […]. Ce qui porte à croire que monter à cheval n’est pas d’une difficulté sérieuse, que l’équitation n’est par un art, c’est qu’on s’appuie sur ce qu’il est des peuples qui arrivent à dompter le cheval dans son état primitif (le cheval sauvage), sans le moindre principe d’équitation. C’est là une erreur aussi capitale que celle dont nous avons déjà parlé. Ces peuples ne suivent, en effet, aucun principes ressortant d’une théorie quelconque, mais ils ont pour eux une expérience, une habitude nées de la nécessité. Chez nous, monter à cheval est un plaisir, un luxe, un délassement. C’est aller bien ou mal – du manège au bois, et du bois au manège; ceci est le cas le plus général, car, pour ceux qui savent, c’est autre chose qu’une promenade. […]un mari, un père, un ami, un cocher, le premier venu, donne gratuitement des leçons, et cela avec tellement de bonne foi, qu’il semble que l’état de professeur d’équitation soit celui de tout le monde.Ce qu’il y a de plus à déplorer dans tout cela, ce n’est pas cette présomption à propos des connaissances équestres affichées par certaines personnes, c’est que les ignorants, naïfs et sincères dans leur ignorance, se laissent prendre à ces semblants d’érudition, et, n’ayant pas d’objection à faire, finissent par partager l’opinion de ces professeurs à bon marché. […9 cette vielle olaisanterie que font sérieusement presque tous les élèves en prenant douze cachets dans un manège: ’ Je ne prends que cela, disent-ils, c’est seulement pour savoir me tenir à cheval. Je ne veux pas devenir écuyer’. Il y a donc des gens convaincus qu’on peut être ´´ecuyer en vingt-quatre leçons? ”. Pellier nous fait part de son intention de rédiger une série d’articles sur l’équitation dans le Journal du Plaisir.
[6] Entre la Porte Saint-Denis et la rue des Petites-Écuries, c’est-à-dire toujours à proximité de l’ancien manège Pellier-Baucher de la rue du Faubourg Saint-Martin.
[7] Cette date est fournie par Bragança (1997: 48), ouvrage indispensable pour l’histoire de l’équitation.
[8] Cette école était située au numéro 25 de la rue de Suresne (aujourd’hui orthographié Surène), dans un petit hôtel que le marquis de l’Aigle avait possédé à la fin du XVIIIe siècle (Hillairet 1963). D’après le baron de Vaux (1888: 130), ce manège avait été ouvert par Pellier (fils) en 1862.
[9] Dès 1875, Pellier fils avait transféré son manège au numéro 24 de l’avenue de l’Impératrice (dite aussi du Bois de Boulogne, aujourd’hui avenue Foch), comme en fait foi la reproduction photographique en frontispice de la troisième édition (1875) du Traité d’équitation du même auteur.