L’ASSASSINAT DU DUC DE BERRY (13 février
1820)
Chateaubriand, dans ses Mémoires
sur le duc de Berry (Oeuvres
complètes de Chateaubriand, Tome 9, Paris: Garnier 1861), nous a laissé,
dans son style grandiloquent, la description suivante de l’accident:
QLe
dimanche 13 février, Mgr le duc et Mme la duchesse de Berry allèrent à l’Opéra,
où les danses et les jeux étaient appropriés aux folies de ce temps de l’année.
Ils profitèrent d’un entracte pour visiter, dans leur loge, Mgr le duc et Mme
la duchesse d’Orléans […]. Mme la duchesse de Berry, en retournant à sa loge,
fut heurtée par la porte d’une autre loge qui vint à s’ouvrir. Bientôt elle se
trouva fatiguée, et voulut se retirer: il était onze heures moins quelques
minutes. Mgr le duc de Berry la reconduisit à sa voiture, comtant rentrer
ensuite au spectacle. La carrosse de Mme la duchesse de Berry s’était approché
de la porte. Les hommes de garde étaient restés dans l’intérieur; depuis longtemps
le prince ne souffrait pas qu’ils sortissent: un seul, en faction, présentait
les armes et tournait le dos à la rue de Richelieu. M. le comte de Choiseul,
aide de camp de Monseigneur, était à la droite du factionnaire, au coin de la
porte d’entrée, tournant le dos à la rue de Richelieu. M. le comte de Mesnard,
premier écuyer de Mme la duchesse de Berry, lui donna la main gauche pour
monter dans son carrosse, ainsi qu’à Mme de Béthisy: Mgr le duc de Berry leur
donnait la main droite. M. le comte de Clermont-Lodève, gentilhomme d’honneur
du prince, était derrière le prince en attendant que Son Altesse Royale
rentrât, pour le suivre ou le précéder. Alors un homme, venant du côté de la
rue de Richelieu, passe rapidement entre le factionnaire et un valet de pied
qui relevait le marchepied du carrosse. Il heurte ce dernier, se jette sur le
prince, au moment où celui-ci, se retournant pour rentrer à l’Opéra, disait à
mme la duchesse de Berry: ”Adieu, nous nous reverrons bientôt”. L’assassin,
appuyant la main gauche sur l’épaule gauche du prince, le frappe de la main
droite, au côté droit, un peu au-dessous du sein. M. le comte de Choiseul,
prenant ce misérable pour u homme qui en rencontre un autre en courant, le
repousse en lui disant: ”Prenez donc garde à ce que vous faites”. Ce qu’il
avait fait était fait. Poussé par l’assassin sur M. le comte de Mesnard, le
prince porta la main sur le côté où il n’avait cru recevoir qu’une contusion,
et tout à coup il dit: ”Je suis assassiné! Cet homme m’a tué!”. ”Seriez-vous blessé,
monseigneur?” s’écrie le comte de Mesnard. El le prince répliqua d’une voix
forte: ”Je suis mort, je suis mort, je tiens le poignard!” […] Le prince avait
retiré le couteau de son sein et l’avait donné à M. de Mesnard, l’ami de son
exil. Dans le passage où se tenait la garde, il y avait un banc; on assit Mgr
le duc de Berry sur ce banc, la tête appuyée contre le mur, et l’on ouvrit ses
habits pour découvrir la blessure. Elle rendait beaucoup de sang. Alors le
prince dit à nouveau: ”Je suis mort! un prêtre! venez, ma femme, que je meure
dans vos bras!”. Une défaillance survint. La jeune princesse se précipita sur
son mari, et dans un instant ses habits de fêtes furent couvert de sang
[…]. f
La salle Louvois fut construite en 1793 , appelée
Opéra depuis 1795, fut construite en 1793 sur l’emplacement de l’hôtel
particulier appartenant à Louvois. Appelée Opéra depuis 1795, c’est là qu’eut
lieu l’assassinat du duc de Berry en 1820. L’emplacement actuel correspond au
Square Louvois, qui fut ouvert en 1839, après la démolition de l’Opéra.
© Alain Fabre. 2003